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Le blog de Léo Dumas

Départs de flammes

13 Juin 2012 , Rédigé par Léo Dumas Publié dans #Errances

Il n'y a pas longtemps

 

 

Elle se relève. Son visage trop carré, sévère, presque moche, est devenu solaire sous l'effet des endorphines. Son cul, son magnifique cul -bons dieux, comment nos ancêtres ont-ils pu cesser de vivre à poil- fait jouer ses muscles afin de la propulser hors du canapé ; je n'en peux plus du bonheur de la regarder.

 

J'ai pas envie d'une clope. C'est le signal d'alarme. Passer toute une journée au pieu avec elle sera le grand test: si j'en oublie d'avoir faim, c'est qu'elle me tient. Sans doute mieux que l'inverse...

 

Et merde. Ça y est, j'ai replongé.

 

 

Cette idée idiote qu'un primate puisse avoir la moindre chance de s'épanouir dans la monogamie, je la combats à longueur de pages, tout en restant le premier connard à foncer dans le piège dès qu'une occasion se présente. Aucune analyse, aucun raisonnement, ni même aucun souvenir désagréable, ne me ferait renoncer à cette merveilleuse absurdité: l'impression de compter réellement dans la vie d'une femme, le sentiment béat d'être quelqu'un pour quelqu'un. Je tombe amoureux au moment ou je m'y attends le moins, c'est à dire tout le temps ; et comme Brel quand sa Mathilde revient le chercher, je deviens illico un salopard obsessionnel, se souciant autant de ses amis que de l'intégrale des discours de Raymond Barre, la différence notable étant que Raymond Barre, lui, ne m'en a jamais voulu.

 

 

J'ai déjà choisi pire. Camées sans espoir de retour, névropathe cachant, sous un vernis de loose attitude et de culture contestataire, une véritable idiotie qu'elle confirme joyeusement aujourd'hui encore, bobo Lyonnaise refusant de coucher avec un homme sans qu'il ait mis de déodorant (autant dire que ça n'a pas duré), plus récemment perverse manipulatrice ayant fait de moi un personnage de son petit théâtre personnel, avant de me buter au début du deuxième acte...

 

Je suis un être d'instincts. Une bière me donne soif, un lit sommeil, une femme envie de baiser. Le blabla que je vous assène régulièrement à propos de libertinage n'a qu'un seul but: défendre la totale neutralité éthique du sexe. Expliquer que ce qui est immoral, ce n'est pas de vouloir pratiquer la brouette Norvégienne et autres jeux exotiques avec son prochain ; ça, c'est de la biologie, rien d'autre. L'immoralité, c'est de mentir sur ses intentions, de tromper ses proches, de tricher avec ce qu'on est. Je me flatte d'être de ceux qui assument plutôt bien le fait d'avoir un corps sans entraves, qu'elles soient physiques ou mentales, moi qui fus un gamin que le contact d'une peau étrangère poussait presque à mordre ; mais ce blog ne sera jamais une apologie de la partouze, quoi qu'en pensent certains.

 

Mais je suis aussi, puisqu'on évoque l'enfance et ses blessures, un solitaire dans l'âme, déçu du monde et affreusement conscient de sa fin prochaine, notamment vers trois heures du matin quand je n'ai pas assez bu ; dans ces conditions, un peu de félicité est plus que je ne saurais espérer, quel qu'en soit le prix par la suie. Et croire de quelque chose que c'est une connerie n'a jamais empêché de la faire, qu'il s'agisse de se droguer, de voter PS, ou de tendre de toute son âme vers des yeux vert émeraude et des cheveux à la Mary Ingalls en les assimilant au bonheur sur terre.

 

Le pire, c'est que je ne regrette jamais...

 

 

Saint-Étienne, octobre 2008

 

Merde alors, c'était vraiment nous?

 

 

Près de quatre ans que je la connais, d'abord sous son statut officiel de "meilleure amie de mon ex", puis en tant que collègue occasionnelle de biture Stéphanoise, pour finir par un vrai début d'amitié ; habitué que j'étais à me dire que toute attirance pour elle était de toute façon vouée à l'échec, je n'aurais pas parié un cent sur ce qui s'est passé hier soir. Je m'étais même pas posé la question. J'aurais tout simplement pas pu croire que je lui plaisais...

 

Et maintenant?

 

Maintenant... maintenant tu t'aperçois qu'elle te plait vraiment et que tu es dans la mouise, hein, ducon?

 

Mouais. Elle plait, c'est même une putain de litote. Cette créature belle à faire douter de l'athéisme, qui ne peut pas sortir dans la rue sans se faire arracher les fringues du regard par tous les passants, fait partie de ces oiseaux rares si parfaites que personne n'ose les draguer, sauf les pourritures les moins scrupuleuses. Elle est l'Annabelle des Particules élémentaires, et Houellebecq a bien raison de décrire comme une calamité la "déchirante pureté de son visage" ; suffit de la voir repousser avec lassitude les quelque crevards sans limites qui tentent le coup, masquer une vive intelligence derrière un gout de l'humour absurde et dépressif principalement destiné à faire fuir les gens, et, faute de pouvoir occulter son physique de ses relations humaines, disposer d'une confiance en elle digne d'un ministre de l'économie Africain un jour de visite du FMI, pour avoir compris le principe: la béatitude? A peu près autant son truc que le mien.

 

Je pourrais passer la moitié de ma vie à parler d'elle, et l'autre moitié à lui faire l'amour.

 

Sauf qu'il y a Claire.

 

 

Temps présent

 

Ben ouais. Et encore, vous ne savez pas tout de cette année haute en couleurs que fut 2008, date fondatrice de ma réputation de merde auprès des mecs casés de mon entourage. J'y ai fait à peu près tout ce qui passerait auprès de la majorité des gens pour "n'importe quoi" ; et tout ça avec une sincérité en tungstène.

 

J'étais un petit garçon affamé d'amour, et j'en savais rien. Ça m'a pété à la gueule d'autant plus fort. Pas qu'à la mienne, bien sur ; femmes qui m'avez plaqué avant que ça devienne trop craignos, vous donner tort serait franchement malhonnête.

 

On fait avec ce qu'on est. Mes appétits étant bien moindres qu'on pourrait le croire, avoir mon content de radada sans nuire à autrui n'est pas le problème ; mais passer son tour au jeu de la séduction n'est pas à la portée du premier Léo venu, et force est de constater que ça fout parfois le bordel, surtout quand je perds.

 

Il me fallait une base éthique. Il me fallait des règles.

 

Alors, comme il est souvent plus facile de savoir ce qu'on ne veut pas, j'ai commencé par choisir mes repoussoirs...

 

 

Saint-Chamond, aout 2009

 

Bordel, ça rappelle les grands moments du Kertmozi.*

 

Le pitoyable connard qui geint à mes pieds s'en est pas trop mal sorti. Se battait pas assez bien pour que j'aie besoin de lui éclater autre chose que son orgueil ; il s'en remettra vite.

 

Deux micro-lascars en goguette font mine de s'approcher de la scène. Je les envoie bouler, Diplomatie** toujours en main ; ils n'insistent pas, mais leurs grands frères vont surement rappliquer. Finissons-en.

 

"Alors, déjà, tu vides tes poches tout seul comme un grand, ou je te file un coup de main. C'est toi qui vois."

 

Le gars à l'air d'halluciner. Ça prends des grands airs au téléphone pour dire que je vais t'éclater la tronche sale enculé, mais ça connait même pas la loi de la rue. T'inquiètes, je vais t'expliquer, moi.

 

"T'as joué, t'as perdu. Maintenant, tu me files ton blé, et dépêche-toi avant que je m'énerve. T'es encore en état de rentrer chez toi en bagnole, mais ça peut changer"

 

Ben voila, tu vois quand tu veux. Je prends vingt euros au passage, ça lui apprendra, mais c'est pas ça qui m'intéresse.

 

"Alors, monsieur... N.M, rue Jean Perrin à Grenoble, je vais te dire trois trucs: déjà, la prochaine fois que tu iras chez un type pour lui taper dessus, assure-toi qu'il t'a pas tendu un traquenard à une adresse bidon, et surtout prend des potes avec toi, t'as pas le niveau. Ensuite, ta copine, tu venais de la plaquer quand j'ai couché avec, alors je vois vraiment pas pourquoi tu viens me faire chier. Et pour finir, je sais ou elle habite, elle aussi, et si je constate que tu as touché à un cheveu de sa tête on reprendra cette conversation la ou on l'a laissé. C'est clair, ça?"

 

Duconneau opine du chef. Trop lopette pour appeler les flics, je suis au moins tranquille la-dessus. Il a l'air si pitoyable que je le plaindrais presque.

 

Mais j'entends encore la terreur dans la voix de Marion...

 

 

*squat punk de Budapest fréquemment "visité" par les milices d'extrême-droite, ou j'eus l'honneur de séjourner et d'apprendre le maniement du manche de pioche avec des professionnels. J'ai appris récemment qu'il n'existait plus, c'est triste.

 

**branche de noyer taillée à ma main pour en faire au choix une canne de rando, un piquet de bâche dans les festivals, ou un excellent médiateur dans les cas ou je dois régler des problèmes avec Diplomatie. Elle, par contre, existe encore, avis aux amateurs.

 

 

 

 

Temps présent

 

Non, je n'offre pas cette scène "héroïque" en pâture à vos yeux avides pour le simple plaisir de faire le malin avec ma relative -et sans doute un peu émoussée- compétence bastonneuse. Enfin si, un peu quand même, mais merde, j'écris aussi pour mon plaisir après tout.

 

Être instinctif, c'est cela aussi. Il y a des instincts nobles. L'injustice, plus exactement l'iniquité, me bouffe comme un cancer, et fréquenter le cœur des femmes implique de prendre en pleine gueule la réalité de leurs vies ; or, croyez-moi, c'est pas joli tous les jours.

 

Elles sont des millions, enfermées dans des vies de merde, humiliées par des mecs qu'elles aiment sans trop savoir pourquoi ; elles en chient, souvent avec une dignité admirable, et s'étiolent à l'ombre des machos ordinaires et de leur connerie satisfaite. Je ne supporte pas ceux qui les traitent comme des possessions matérielles, et qui accordent à l'exclusivité de leur droit à ne pas les faire jouir plus d'importance que l'amour qu'elles leur donnent. Je leur pisse à la raie, leur rétame la gueule, et oui, parfois, c'est au sens propre.

 

A ceux qui critiqueront, je précise que si Marion ne s'est pas sortie des griffes de l'autre enfoiré, certaines parmi vous liront ces lignes qui pourraient témoigner que quand je viens foutre le bordel dans une vie, ce n'est pas toujours en mal. J'en profite pour leur dédier ceci.

 

 

L'autre catégorie de repoussoirs que je me suis choisi, c'est mon frère ennemi le pervers narcissique. Il fait en apparence la même chose que moi, mais ce que je cherche à donner, lui cherche à le prendre. Ce que j'aime, respecte et rêve de grandir, à savoir l'épanouissement des femmes, lui ne sait que le foutre en l'air. Il m'est très utile, en tant qu'exacte figure de ce que je m'efforce de ne pas être, merci à lui pour ça.

 

 

En fait, j'aime les victimes. J'aime les paumées, les fragiles, les pas bien dans leurs pompes. J'aime mettre un sourire la ou ils sont rares, j'aime rendre des services absurdement généreux à des inconnues, moi qui n'offre jamais rien aux occasions officielles ; j'aime "faire reluire un soir/ce cul déshérité ne sachant que s'asseoir", on ne peut décidément pas parler d'amour charnel sans citer du Brassens, qui en a d'ailleurs déjà tout dit.

 

J'aime croire que les vies de merde peuvent changer, et que les catholiques, les vrais, ont raison sur un point: ça commence par donner de l'amour.

 

Je vous entends répondre: "tout ça pour justifier tes histoires de cul". Ah ouais? Eh bien, je vais vous raconter une belle histoire...

 

 

Lyon, peu importe la date

 

 

"C'est pas ton truc, hein?"

 

Eh, mais euh, même pas vrai, d'abord. Connement, je réponds: "pourquoi, ce... c'était pas bien?"

 

La plantureuse quadragénaire allongée devant moi, dans une posture très "fin d'empire Romain" et dans une tenue très jardin d'Eden, sourit doucement.

 

"Si, au contraire, c'était sympa, et puis ça me change. Justement parce que... tu n'es pas du tout un libertin. Tes codes ne sont pas les nôtres, ta manière d'être au lit encore moins. Tu fais bien l'amour, mais tu baises mal... tu vois ce que je veux dire?"

 

Gloups. Pas forcément envie de m'attarder sur ce terrain-la. "Je suis pas un gros consommateur, c'est vrai", tenté-je d'éluder en un sourire gêné.

 

Cette fois, elle se marre, franchement mais avec une totale gentillesse. Elle a vraiment tout du fantasme de l'institutrice sexy... sauf dans le feu de l'action, ou elle rappellerait plutôt la fiancée de Shreck sous excitants.

 

"Consommateur? Mais tu n'en es pas un du tout, justement. Je ne te connais pas, mais je parie que ton truc à toi, c'est plutôt la séduction, le jeu... et derrière ça, il y a toujours un fond de romantisme.

Ne le prends pas mal, surtout, c'est très chouette qu'il y ait des gens comme toi. Mais à mon avis, ce n'est pas dans notre communauté que tu pourras t'épanouir. J'ai lu un ou deux de tes articles ; tu y parles d'hédonisme, tu définis très bien ce que c'est... mais, ton corps, lui, ne le sait pas vraiment. Il vibre pour d'autres choses."

 

Et pan. Percé à jour. Si tous les libertins sont aussi fins dans leur compréhension des gens, je trouverai toujours à m'épanouir chez eux, ne serait-ce qu'intellectuellement.

 

Je me rhabille, conscient d'être habillé en clodo dans un appart cossu du 2ème arrondissement -pléonasme. Conscient aussi de n'être pas jugé pour cela. Cette personne est admirable de tolérance. Pourtant, je voudrais savoir...

 

La main sur la porte, je finis par oser demander: "dis-moi... comment tu vis le fait d'être libertine, alors que ton mari..."

 

"...n'est pas au courant? Il le serait, s'il avait envie de savoir. Au bout de quinze ans de vie commune, on apprend à savoir ce qu'il vaut mieux ignorer chez l'autre, sans quoi ça ne marche pas. Au revoir, Léo".

 

Je sors, dans une rue que j'avais toujours regardée jusqu'alors avec mon éternelle détestation de tout ce qui appartient aux bourges ; à présent, je ne suis plus certain de ma vision des choses.

 

Et pour la première fois de ma vie, je me pose la question: et si le sexe était de droite?

 

 

Temps présent

 

Je ressors la tête de l'eau.

 

La jolie fée présentée en intro est finalement partie s'enfermer, elle aussi, dans une vie trop conne pour elle ; c'est raté. Petit départ de flammes éteint trop vite, un de plus... pas de quoi cesser de croire au grand incendie.

 

J'en suis à la relecture, et c'est... intimiste. Désolé à ceux d'entre vous qui pourraient trouver choquant ce déballage ; il n'a pas pour but de m'exhiber. J'essaie de faire profiter de mes doutes, et des réflexions qu'ils m'amènent, à ceux d'entre vous qui se posent peut-être des questions similaires ; à chercher matière à histoire, aussi.

 

Et puis, soyons honnêtes: qui n'a pas envie qu'on lui parle d'amour?

 

 

Libertairement votre

 

 

Léo

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