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Le blog de Léo Dumas

Généalogie semi-rêvée, et autres histoires

15 Juin 2012 , Rédigé par Léo Dumas

Je suis Franco-Irlandais.

 

Pour certains d'entre vous qui lisez ces lignes, c'est la vérité ; d'autres sont en train d'halluciner et se demandent ce que je vais encore raconter comme conneries.

 

C'est bien sur voulu. Léo n'est pas mon vrai prénom, mais c'est celui que j'utilise le plus. Mes récits de voyage sont authentiques, mais authenticité ne veut pas dire bonne foi ni exactitude. Je suis capable de publier ici des scènes de cul véridiques, mais c'est à votre imagination de décider si j'y étais ou pas.

 

Bref, je le radote une fois de plus et me vautre au passage dans le pléonasme: Léo Dumas n'est pas une personne, c'est un personnage, et je ne vois pas vraiment en quoi ça me rend différent des autres... du moins à vos yeux. Que croyez-vous? Vous en savez autant sur le cœur des gens qu'un pigeon infirme sur le code de la route en zone urbaine ; ce que vous percevez d'autrui n'est pas si réel que ça. Nos fameux "sentiments partagés", nos "feelings" qui nous font croire à l'unisson des âmes, moi le premier quand ça me prend, ce sont nos propres glandes qui les produisent, pas les phéromones du voisin, on est pas des fourmis. Mais je m'égare... ou pas tant que ça, finalement.

 

 

Je vais donc vous conter une histoire que j'aime, autant pour ce que j'en ai inventé que pour la vérité qu'elle dégage ; à ceux qui savent comme aux autres, ne vous prenez pas le chou: peu importe la véracité des faits ou pas. Les sentiments que j'expose, le discours qui tend ce récit, sont sincères ; le reste me regarde.

 

 

Je suis, donc, Franco-Irlandais. Mon oncle est Joseph O'Connor, écrivain de réputation mondiale ; quant à ma tante Sinead, on ne la présente plus. Je ne prétendrai pas connaitre personnellement ces gens ; pour tout dire, le lien qui nous unit n'est pas glorieux, ma grand-tante Marie, morte peu après ma naissance, ayant été une fieffée salope. Mais n'anticipons pas.

 

Tout commence dans les années 20, avec l'apparition d'une petite Shauna (forme anglicisée de "Shana", Sinead en gaélique) dans le bidonville géant que sont à l'époque les quartiers ouest de Dublin, elle-même récemment promue capitale d'un pays tout neuf (pour les Anglais et autres incultes qui liraient éventuellement ces pages, l'Irlande n'a été reconnue indépendante qu'en 1922, autant dire hier matin).

 

Toute l'ile est libérée. Toute? Non, un petit pays adhère encore et toujours à l'envahisseur. C'est l'Ulster, une partie de l'Ulster tout au moins (pour situer, c'est grand comme l'Alsace-Lorraine par rapport à la France) ou les Britanniques, mauvais colonisateurs s'il en fut à part les Belges, avaient quand même réussi au bout de quelques siècles à vaguement imposer quelque chose d'un modèle culturel, et qui n'avait pas du tout l'intention de se fâcher avec Londres.

 

Navrés de cette frontière sur la carte de leur chère île bien plus qu'ils n'étaient contents de leur indépendance toute neuve (cherchez pas, on fonctionne comme ça), les Zaïriches continuent la lutte, et j'aime autant vous dire que ça rigolait pas tout les jours, mamie Shauna (oops, spoiler) m'en a raconté de jolies sur l'ambiance de l'époque... dans la famille, on était plutôt pro-IRA, ce qui équivalait à se réjouir du cadavre encore chaud de Michael Collins, à tirer sur tout ce qui savait pas causer Gaélique et dire sa messe en latin (de l'importance du langage...), et à pas être d'accord avec le gouvernement, parce que tout ça, c'est rien que des gens capables d'adresser la parole aux Anglais, fi donc, quelle horreur.

 

Shauna grandit, devient pote avec des figures locales comme Dan Keating, et comme c'est une sale bête sans aucun respect pour son statut présupposé de femme catholique soumise, finit par obtenir son indépendance (gag) en livrant des trucs et des machins un peu suspects aux forces armées, les flics de l'époque hésitant franchement avant de se mettre à fouiller les femmes au corps dans la rue.

 

La-dessus, la guerre arrive.

 

 

Et pendant ce temps-la, mais pas au parti communiste...

 

...pendant ce temps-la, un jeune Ardennais moins con que les autres, et j'aime autant vous dire que c'est pas dur, faisait ce que fait l'Ardennais moyen: traficoter du côté de la frontière Belge en évitant les gabelous, car quand le gabelou en question connait ta mère et réciproquement, c'est pas évident de faire semblant de pas se reconnaitre quand on se croise dans les bois ("Salut Mimile, alors, t'en trouves des contrebandiers?" "Ouais, ça va pas mal, et toi, tu portes quoi dans ton sac?" "Oh, des trucs..."). Accessoirement, quand il a fini ses livraisons de tabac et autres trucs introuvables à l'époque sauf au marché noir, monsieur Serge P. livre des résidus de stocks d'armes de feu l'armée Belge à CDLR, et à CDLR uniquement, car le Front National, c'est le mal*.

 

Et il fait tellement bien son boulot qu'au final, l'hydre nazie se fait couper les têtes sans que les chars Russes défilent aux Champs-Élysée pour autant, bien joué papy (oops, re-spoiler)**. Mon glorieux ancêtre reprend ses études, passe son bac (un exploit à l'époque dans les bleds de bouseux), et... commence à se faire chier.

 

Je connais mal la suite de l'histoire, et j'avoue, la, même moi ne saurais démêler l'écheveau entre légende familiale et réalité. Toujours est-il que dans les années 50, on voit un jeune type assez débrouillard trainer régulièrement dans des quartiers de Dublin ou un étranger vivant est en principe chose impossible ; il porte le même panier que pendant la guerre, peut-être un peu plus facilement (il a pris du muscle, et l'industrie de l'armement fait des progrès), et il finit par rencontrer un poseur de bombes notoire, Keith O'Leary... ainsi que ses filles, Shauna et Marie.

 

Mariage clandestin avec l'ainée. On est de vrais trads, à l'époque, chez les purotins Dubliners. Faire affaire avec un Frenchie, pourquoi pas, ces gars-la exècrent l'Angleterre bien autant que nous ; mais de la à en avoir un dans sa famille, faut pas déconner. Les Bonnie and Clyde du plasticage de monuments historiques tiennent deux ans, jusqu'à ce que le papé se fasse gauler par la police secrète ; c'est la fuite in extremis en France, le petit piston vite fait auprès des anciens copains de résistance, lesquels ont tous fini à la SNCF, tiens, prend ta carte CGT, ton contrat de travail, et fais-toi oublier...

 

Il finira chef de gare à Paris. Elle ne finira pas grand-chose, à part quatre gamins dont deux cons, une folle, et ma mère.

 

Et puis, je suis né, grand-tante Marie est morte après une vie fort peu Chrétienne, mamie Shauna a hérité d'un bout de terre du côté du Connemara, aujourd'hui en partie à moi mais je préfère nager dans une ferme de crocodiles plutôt qu'avoir affaire à un notaire Irlandais. Fin de la belle histoire.

 

Et pourquoi donc vous parlé-je de résistance internationale, d'après vous?

 

 

*Je parle du vrai FN, le Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France, créé par le PCF de l'époque, d'où de titre de cette sous-partie.

Je meurs d'envie de vous faire un cours d'histoire sur la résistance, mais ça dépasserait de loin ce que j'arriverai à écrire cette nuit. On va faire mieux: vous vous renseignez par vous-même, et on en rediscute. Vous verrez, c'est passionnant.

 

**Vous leurrez pas. Je suis pas issu d'une famille de héros. Mon autre grand-père rétablit l'équilibre historique entre "résistants" plus ou moins opportunistes, et vraies saloperies antisémites.

 

 

 

Du collaborateur moderne

 

Je suis (repeat after me) Franco-Irlandais. Toutefois, ma langue maternelle, mon éducation et ma nation "par défaut" restent Françaises. On compte aussi dans mes ascendants des Belges, des Espagnols de l'époque ou leurs soldats envahirent la Franche-Comté, des Allemands, des Suisses, sans doute. Mon pays, mon vrai pays, c'est l'Europe, du moins l'occidentale, cette Europe mère des États-Unis dont découle le monde actuel, en bien comme en mal.

 

Or, mon pays est occupé.

 

Il ne s'agit pas cette fois d'un annexion militaire. Plutôt d'un coup d'état(s) feutré, insidieux, de gens qui changent peu à peu les lois démocratiques, censées être au service des citoyens, pour en faire un instrument au service de la "loi du marché". Entendez: au service de leurs propres intérêts, leur propre puissance.

 

Mon pays est aux mains de l'empire capitaliste. J'ai souvenir, dans une petite maison pas loin de Sligo, d'avoir maté "l'empire contre-attaque", un soir ou l'on veillait une mamie Shauna qui n'en finissait pas de vieillir ; le lendemain, je l'ai trouvée devant la RTÉ (la BBC Irlandaise). Elle a pointé du doigt la téloche ou l'on voyait la tronche insoutenable de la mère Thatcher, et elle m'a dit: "see, kid. This is feckin' Darth Vador in our real poor world".

 

(bon, OK, elle l'a dit en Français. Mon apprentissage de l'accent si particulier du Connaught profond n'aurait lieu que bien des années plus tard. Mais bon, écrit comme ça, j'y trouve plutôt classe)

 

Elle avait pas tort. Pas de détester les Anglais, j'irai pas jusque la (encore que...), mais de détester l'Empire Britannique, cet immondice qui fit crever de faim mes ancêtres tellement longtemps qu'ils ont fini par réussir à arrêter de se battre entre eux.

 

Ils ont accouché du monde contemporain, dont la date de naissance officielle, je le rappelle, est Waterloo, plus pour le coup de génie financier de Rothschild que pour la fin de l'empire* ; et la, j'en reviens à mon histoire d'occupation.

 

C'est un lieu commun: beaucoup se demandent si dans les années 40, ils auraient eu le courage d'entrer dans la résistance. Ne vous leurrez pas, la réponse est probablement "non": nos temps sont plus doux, trop doux pour ça. Assumez d'avoir été élevé dans le coton, et d'être juste de braves types ; le choix que j'ai fait d'apprendre à être un salaud pour toujours rester homme libre, il est sans doute trop tard pour que vous le suiviez, et moi-même je suis encore loin d'avoir abouti.

 

Et de toute manière, vous seriez mieux inspirés de vous demander si l'heure n'est pas venue de faire un choix similaire.

 

Le monde est bouffé par le profit. Vraiment bouffé, au sens propre. Et la capacité de nos contemporains à s'en foutre est glaçante au plus haut point. Tout se passe comme si les clients des hypermarchés, les consommateurs de produits fabriqués à l'autre bout du monde dans des conditions pires que l'esclavage, les auditeurs passifs des médias possédés par les possédants, n'avaient absolument aucune conscience d'être les nouveaux collaborateurs ; c'est pourtant le cas.

 

Le mot n'est pas trop fort. Les collabos de la seconde guerre mondiale n'étaient, dans leur immense majorité, pas vraiment partisans de la déportation des juifs. Leur seul tort aux yeux de l'histoire fut de ne pas protester, parce que l'acceptation de cette monstruosité rendait leur vie plus facile.

 

De nos jours, l'attitude du consommateur moyen vis-à-vis du tiers-monde est très similaire.

 

C'est la que je rejoins les deux parties de mon histoire. Et que je pose, le plus sérieusement du monde, la question:

 

 

Est-il revenu, le temps de poser des bombes?

 

En attendant d'en être persuadé, je ne peux, la aussi, que ressasser l'antienne:

 

Indignez-vous.

 

Libertairement votre

 

Léo

 

 

*Vous connaissez pas l'histoire de la fortune de Rothschild? Foncez sur votre moteur de recherche, et allez vous cultiver au lieu de lire des âneries.

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