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Le blog de Léo Dumas

Fascismes

30 Juin 2022 , Rédigé par Léo Dumas

(Archive d'avril 2018)

 

Tout est dans l’état. Rien d’humain ou de spirituel n’est en dehors de l’état” (Benito Mussolini)

 

Discuter avec un facho, c’est comme jouer aux échecs avec un pigeon” (sagesse populaire)

 

Mantoue, 27 avril 2018

 

Y a-t-il au monde créatures plus détestables que le pigeon urbain? Oui, mais pas tant que ça.

Les moustiques, les trucs qui donnent des maladies, les bestioles qui mangent les gens, les gens qui n’aiment pas les gens qui mangent pas les bestioles. C’est à peu près tout.

 

Même le rat, autre coprophage de l’humanité, a quelque chose de plus sympa. On n’a jamais vu de vieux réac passer ses journées dans un square à nourrir les rats avant de rentrer chez lui sans un regard pour les SDF. Et puis, les rats ne chient pas sur les monuments historiques, même si voir couverte de merde aviaire la statue d’un quelconque connard homicide peut avoir quelque chose de réjouissant.

 

Le problème des pigeons qui chient, finalement, c’est qu’ils ne visent pas. Ils se soulagent indifféremment sur les justes et les enflures, sur le moche et sur le beau, sur du Jeff Koons ou du Brunelleschi. Il peut être plaisant, à l’occasion, de constater la présence d’une fiente dans l’œil minéral de feu un général plus boucher qu’un autre ; ça ne donne pas pour autant la moindre valeur morale aux intestins du volatile concerné. Dire qu’on est “d’accord” avec lui n’aurait aucun sens ; il n’a le choix ni de l’acte, ni de son contexte.

 

Et si vous êtes malins ou avez lu le sous-titre, vous devriez déjà voir ou je veux en venir. 

 

 

“Ça sert à rien de discuter sur fesse-bouc”. L’aura-t-on entendu, cette affirmation auto-réalisatrice. C’est que beaucoup de gens (tous, en fait, plus ou moins souvent) font de leurs opinions exactement ce que les pigeons font de leur caca : les balancer tous azimuts, sans la moindre considération pour ceux que ça asperge. Ce n’est pas en soi la faute des réseaux sociaux, qui jouent au mieux le même rôle que la gravité dans le cas des déchets columbiformes : faire en sorte que ça ne monte jamais vers le haut. C’est en revanche pas mal la faute de mauvaises habitudes de pensée apprises à l’école, qui nous explique la Vérité, et dans la bien nommée cellule familiale, qui nous explique ce qui tombe sous le sens. 

 

Je vais un peu vite, posons les choses autrement. Etant gamins, avez-vous souvent entendu un adulte vous demander votre avis? Finir une phrase par “mais je peux me tromper”? Vous montrer une autre voie que l’éducation permanente à la certitude? Je gage que non (mais je peux me tromper). L’évolution a fait des petits d’homme des machines à imiter pour survivre, ils imitent donc. Ils intègrent la binarité du je sais/je sais pas, qui marche très bien pour avoir son bac mais beaucoup moins pour réfléchir vraiment. Ils intègrent aussi au passage, c’est important pour notre propos, le fait que ne pas savoir, c’est avoir l’air d’un con ; autrement dit, que la connaissance a partie liée avec l’ego.

 

Ce qu’il y a d’unique et de précieux dans la démarche scientifique, c’est l’idée qu’on sait jusqu’à plus ample informé. Que le savoir est comme tout, c’est à dire relatif, qu’on n’a jamais fait le tour d’une question. Et qu’avoir tort et le reconnaître, c'est finalement le seul moyen de s’approcher de la vérité.

 

Si tu “gagnes” un débat, tu ne gagnes rien. Si tu le “perds” parce que tu dis une connerie et pas ton interlocuteur, tu abandonnes une idée fausse pour une plus juste. C’est le même principe. L’appliquer aux discussions en ligne, comme c’est parfois le cas ici quand vous comme moi sommes dans un bon jour, n’a rien d’inconcevable.

 

Encore faut-il savoir retenir le pigeon en nous.

 

Il y a un moment déjà que le mot “nazi” n’est plus utilisable dans une conversation sérieuse. C’est acquis au point qu’il existe une pseudo-théorie à ce sujet, le point Godwin, qui prétend disqualifier toute personne employant le terme dans un débat ; excellente nouvelle pour les nazis présents et à venir, qu’on ne pourra plus désigner par leur nom.

 

Un autre terme voisin (parmi tellement d’autres...) est passé trop de fois dans la lessiveuse à galvauder les mots importants -ironiquement, il a du avoir “démocratie” pour voisin d’essorage ; ce terme est Fascisme. 

 

Je n’insulterai pas vos capacités de recherche internautique en vous précisant l’origine exacte du mot. Historiquement, “fasciste” a un sens précis quoique encore débattu, et ce sens n’est pas “contraire à l’idée que je me fais d’une démocratie au moment ou ça m’arrange”; pour les puristes, précisons que j’adhère davantage à la définition de Mauriac qu’à celle de Paxton, mais pour l’instant on s’en fout un peu.

 

Le mot vient d’Italie, pays d'où j’écris ces lignes et qui se tourna vers le fascisme à peine un demi-siècle après sa création ; c’est rigolo quand on y pense, que nos actuels monomaniaques de la “résistance nationale” face aux ingérences étrangères soient les héritiers d’un état fabriqué de toutes pièces par l’intervention militaire d’un empire voisin, cocorico au passage. Hitler, Franco, Salazar, Pavelic, tous ces joyeux lurons sont des petits frères plus ou moins proches, défenseurs de la Nation d’autant plus violents que la leur était politiquement et/ou historiquement inexistante ; on ne défend pas son nid sans casser des œufs. Pas gênées, les grandes puissances de l’époque ayant foutu l’Europe à feu et à sang à coups de frontières bidons referont exactement la même partout dans le monde pendant la décolonisation, avec les conséquences que l’on connait de Luanda à Pyongyang. Le pigeon est territorial. De la à dire comme Rousseau et Brassens que l’idée de territoire crée le pigeon...

 

Peu après la guerre, Sartre donnait dans “réflexions sur la question juive” une définition intéressante du fasciste anti-intellectuel, trop longue pour être détaillée ici mais facile à résumer pour peu qu’on dispose d’un échiquier et d’un piaf. Peu importe à la personne concernée que son interlocuteur ait raison ou pas ; elle se flattera même d’être ignorante, quand la connaissance signifie être le chien de la juiverie internationale/la bourgeoisie capitaliste/le Grand Satan américain, ou être subversif, blasphématoire, journalope, bobo gauchiasse, khmer vert, complotiste, féminazgul ou... sale facho, selon le contexte*. On constatera comme d’habitude que les insultes en apprennent plus sur leur auteur que sur leur destinataire.

 

* on peut conclure de cette idée que le complotisme est la maladie infantile du fascisme, je dis ça en passant.

 

Isère, pas pour longtemps

 

La plus grande victoire des marchands d’évidences a été de rejeter la rationalité comme insensible, “inhumaine”. Ce débat est vieux comme le débat, même si son importance est particulière dans une société technique ; “Back to the trees!”, gueule l’oncle Vania dans Pourquoi j’ai mangé mon père. “Prenons le chemin qu’on n’a jamais pris, celui de l’hominisation”, répond Monod, grand fan de Roy Lewis. Le fait est que depuis que le premier couillon s’est entaillé le doigt avec le premier silex taillé lui aussi, le progrès humain pose problème à l’inertie collective, laquelle y répond en ne s’en servant pas, ou mal. Miracle quand on y pense que notre espèce se soit mise à faire des cailloux autre chose que des ricochets ; banalité de dire qu’elle n’en a guère fait mieux depuis que de se les lancer à la gueule. C’est que les descendants du couillon cité plus haut n’ont appris dans le processus qu’à rester du bon côté du caillou.

 

Un outil ne sert à rien si tu ne construis pas avec. Internet, ou même l’écriture, sont tout aussi concernés par ce principe que le tournevis qui prend la poussière dans votre grenier. Quand la République apprend à lire aux gens sans leur apprendre à reconnaître qu’ils lisent de grosses conneries, elle ne fait que la moitié de son boulot, et peut-être finalement plus de mal que de bien... qui prendrait Macron au sérieux s’il ne lisait pas le journal? Qui accepterait la guerre sans campagne de presse?

 

Qui parlerait de “guerre juste”, de “combat humaniste”, et autres oxymores consacrés à donner du brillant aux massacres? Personne. Va sortir ces formules à l’oral dans un milieu non encore contaminé par ce genre d’idées, tu vas copieusement te faire foutre de ta gueule. 

 

Vous l’avez vue passer, ma transition? Gagné, c’est “combat humaniste”. Créer du conflit par amour des gens. Voire, encore plus drôle, par parti-pris envers une catégorie de personnes, forcément victimes, forcément prioritaires.

 

Prendre les carburants nécessaires que sont la colère et l’indignation pour ce qu’ils ne sont pas : des routes à suivre. Voila un bon moyen pour peu à peu cesser de jouer aux échecs, avant de se mettre à déféquer sur le plateau en roucoulant. 

 

C’est ainsi qu’on voit des militants partis des meilleures intentions du mondes devenir usines à merde. Chier tout ce qu’ils savent depuis leur petit pré carré partisan, en direction de tout ce qui à leurs yeux n’en fait pas partie. Toucher parfois, même souvent, une cible qu’on déteste, ce qui les rend sympathiques sur le moment ; mais, au final, ne rien faire que chier, et virer d’un coup d’aile les pièces qui les emmerdent.

 

Voila ce qu’est un fasciste. Rien à voir avec le combat, l’orientation droite-gauche, le niveau d’érudition ou la qualité -ha ha- de leur plume ; tout à voir avec le comportement, une certaine idée du non-dialogue, et la conviction bien ancrée qu’au fond il faudrait une bonne guerre, ou un goulag pour ceux qui aiment ça.

 

De ces oiseaux-là, on en trouve partout, chez patriotes et antifas, libéraux et écologistes, féministes et patriarcaux ; la qualité de leurs idées de départ n’y change rien. L’outil n’implique pas l’usage.

 

 

Don’t feed the faf. N’applaudissez pas l’arrogance imbécile des colombes de la guerre de tous bords, surtout pas du votre, sous prétexte que vous êtes “d’accord la-dessus”. Puisque Desprosges est à l’honneur en ce moment, maudissez aussi l’anticlérical demeuré qui fait croa-croa au passage de Mère Teresa, le pacifiste bardé de grenades et de bons sentiments prêt à éventrer quiconque n’est pas pour la non-violence. Rien n’est pire que d’avoir raison pour de mauvaises raisons.

 

Mettez le nez dans sa fiente à quiconque se laisse aller sur le grand plateau de jeu des pensées humaines, qui qu’il ou elle soit, et moi le premier car ça m’arrive aussi. 

 

Libertairement votre.

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