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Le blog de Léo Dumas

On achève mal les Sarko

8 Mai 2022 , Rédigé par Léo Dumas

Retour sur internet, mai 2022

 

Mais quel gigantesque troll. Deux mille balles, il a voulu lui filer, à Valoche, lui qui disait il y a quinze ans que gagner le double par mois c'était modeste ; ce mec n’est pas pote des Balkany pour rien. Le foutage de gueule étant par trop transparent, Pécresse a bien sur refusé, décuplant ainsi l'impact médiatique de cette méchante blague, comme il l'avait prévu. Bien des salauds de cinéma pourraient prendre des notes.

 

Ce blog est né sous Sarko. Il y a quelque chose dans le personnage qui incite à gueuler. A le voir présent comme chez mémé à l’investiture de Macron, à voir son disciple Valls tenter de taper l’incruste avec le même culot sinon la même réussite, on se rappelle combien un Macron est inenvisageable en politique sans un précurseur du calibre de Talonetto. Sarkozy est le créateur de la cinquième république actuelle, les autres ne font que suivre la pente qu’il a creusé ; tiens, lui aussi avait déjà parlé de conditionner le RSA (à peine créé par son propre gouvernement) à du travail bénévole…

 

Pour celleux qui ne lisent pas Mediapart, déjà vous êtes nul·les, ensuite vous n’êtes probablement pas très au courant de qui est Sarko au juste. La liste de ses crimes, au sens strict, est aussi longue et fastidieuse que celle des exs de Carla, mais rendez-vous compte au moins qu’on le soupçonne sérieusement d‘avoir fait dessouder Kadhafi afin qu’il ferme sa gueule sur le financement de sa campagne de 2007, -oui, en résumé Sarko a été élu avec le pognon de Kadhafi, longue et douloureuse histoire, je vous ai parlé de Mediapart ? Ah, et on me dit dans l’oreillette que Poutine aussi fait du business avec notamment le fidèle Fillon.

 

« Mafieux » est un terme sobre pour désigner ces gens. Et c’est en mafieux qu’ils ont considéré l’état, ce qui eut pour effet de contre-révolutionner les pratiques présidentielles. Un truc aussi abusé que l’affaire Mc Kinsey ou la, euh, gestion du Covid aurait été impensable sous Chirac, qui n’aurait jamais confié les rênes du pays à des américains surtout pour ce prix-là ; mais ça, c’était avant…

 

Saint-Étienne, avril 2002


C’est étonnant, une manif aussi joyeuse alors qu’on flippe tous.

 

On est que des jeunes, faut dire, même à Saint-é. A nos premières présidentielles pour beaucoup, on se retrouve à voter usé-vieilli pour éviter le non moins décrépit Jean-Marie, et ça n’a pas l’air de tellement déranger nos darons. Au moins les choses sont claires, si elles l’étaient pas déjà : c’est pas notre monde, c’est celui des vioques, et ça explique beaucoup de choses. Mémo pour plus tard, ne pas faire le même coup aux jeunes de 2050.


L’Europe. Le vieux monde. Hah, c’est le moins qu’on puisse dire. Des millénaires de peuples flottant dans le formol des traditions, écrivant par leur sueur et leur sang la postérité de leurs maîtres, privés de toute pensée critique par les prêtres gardiens de la Vérité. Des éons de gouvernance par la peur, l’ignorance crasse et la vénération des puissants. La télé n’a rien eu à inventer.

 

Ce qui me plombe le plus, c’est qu’on s’imagine lutter contre le racisme. C’est faux. Chirac est raciste. La France est raciste as fuck*. On a beau jeu de se comparer aux américains pour se donner le rôle du gentil ; les ancêtres des Noirs qui crèvent la misère chez eux, c’est nous qui leur avons vendus, sans compter qu’on s’est gardé notre part pour faire tourner nos usines et nos expos coloniales. Aujourd’hui on les tolère tant qu’ils bossent, qu’ils ont le bon goût d’être catholiques et surtout, qu’ils ferment leurs gueules.


On voulait civiliser le monde, il paraît. Joli résultat. Balayer devant notre porte aurait été plus utile.

 

Les flics rongent leur frein en attendant que se clairseme la foule ; les premières lacrymos attendront les derniers sur place. Ils ont des consignes, pas question que ça dérape aujourd’hui. J’imagine les mêmes connards prenant leurs ordres de Le Pen ; on serait déjà en sang, les plus basanés d’entre nous attachés à l’arrière des fourgons, prêts à se la donner pour une longue, très longue garde av’. On va au moins s’éviter ça, pour l’instant.

 

Pour combien de temps ?


* note aux ancien·nes lecteurices : oui, je sais. C’est que je parle en 2002. J’ai pris l’habitude de dire feck, équivalent irlandais de « putaise », des années plus tard ; ce chapitre ne comporte pas d’inclusif ni de considérations féministes pour les mêmes raisons. Si je suis très critique aujourd’hui envers les mouvements antifas old school, c’est que j’en étais proche à l’époque et que ça ne m’a pas rendu de gauche sur tout, loin s’en faut.


 

Aujourd’hui


Entre autres mèches allumées qui nous ont pété à la gueule depuis, Chirac a initié un phénomène bien connu aujourd’hui, le gouvernement-d-union-nationale-ni-droite-ni-gauche qui devient facho en cours de route. Le bonasse gouvernement Raffarin du début de mandat* est vite devenu une machine à faire élire Sarko, superministre d’état mis sur orbite médiatique par les émeutes de 2005 ; le même Sarko avait visiblement pris des notes : il partîme cinq cent avec des ministres socialos dans son équipe -vous vous rappelez Besson ?-, mais par un prompt renfort il se vîme rapidement débarrassé des gauchiasses au profit des gens sérieux, Claude Guéant, Georges Tron, de vrais sarkozystes en somme, avec des couilles et un casier, n’est-ce pas. Ils ont gardé Frédéric Mitterrand d’ailleurs, il porte pas le même maillot mais il a la même passion.

On a voulu croire que ce serait moins pire sous Hollande. On n’avait pas encore compris que c’était trop tard.


* enfin, bonasse… il comptait dès le départ son lot de vrais fachos, comme Perben ou Devedjian, sans parler de la légion d’hypercrapules à la Jean-François Mattei. Il faut une formation très poussée en sciences politiques pour distinguer l’aile droite chiraquienne d’une bonne partie de l’extrême-droite actuelle.


 

14 novembre 2015, Grenoble

 

Ça va faire bizarre sur les T-shirts et les photos de profil, « Je suis Eagles of Death Metal ». Dans les manifs, on va se croire en festoche.

On devait bosser aujourd’hui. Répétition pour une presta importante, un carnaval qui aide pas mal les finances de notre micro-compagnie à nous assaisonner le RSA, premier partenaire de la culture. Putaise, encore dépendre du spectacle de rue pour bouffer, ça me manquait pas.

C’est loupé, de toute façon. Si mes adorables collègues ont un défaut, c’est leur addiction aux écrans ; BFM tourne en boucle chez eux depuis ce matin, et on est la, à s’abrutir devant leur pipeline de paranoïa tout en faisant des commentaires nuls. Je devrais rentrer chez moi, mais pour quoi faire, sinon à peu près la même chose sur les rézos ? Y a des jours pourris. C’est comme ça.

 

2015 restera une sacrée année de merde. Elle aura au moins permis de s’assurer d’une chose, des fois qu’on ait des doutes : gouvernement de gauche, mon cul. Un premier ministre qui arrive presque à rendre Dieudonné et Daesh sympathiques, une Taubira qui regarde ça en fermant sa gueule*, sans parler des affaires qui s’accumulent y compris chez des écolos qui décidément apprennent vite du PS** ; à moins d’être gay et de croire au mariage, ce qui doit pas représenter bezef de monde***, difficile de croire qu’on a vraiment viré Sarko.

 

Je t’en ficherai, du vote utile.

 

Et voila que nous sommes en guerre, sans savoir bien contre qui…

 

* elle ne démissionnera qu’en janvier 2016, deux ans après l’arrivée de Valls à Matignon. Quand je pense qu’il y en a encore qui la croient de gauche, je ricane un peu. Vous avez remarqué au fait qu’elle ne rejoignait pas l’alliance avec la FI ?

** la, je triche un brin. A cette date n’avaient été rendues publiques « que » l’affaire Thévenoud et la discrète démission de Kader Arif. On ne sait rien encore des victimes de Denis Baupin, du sens de la famille de Bruno Le Roux, de l’absence de race d’une Emmanuelle Cosse ou d’une Barbara Pompili, j’en Jean-Vincent Place et des meilleures.

*** « dis-donc machin, c’est limite comme remarque, ça ! » Ah ouais ? 6.000 mariages entre personnes du même sexe en 2021, les gens, tendance à la baisse. La principale mesure de gauche prise sous Hollande explique le vote Hidalgo : ça concerne à peu près autant de gens, souvent les mêmes peut-être. Sinon l’homophobie va bien dans les classes sociales dont le PS se contrefiche, merci de vous en soucier.


 

Aujourd’hui

 

On a vite compris qui était en guerre contre qui. Quelques mois plus tard, fini d’embrasser les flics, on se douchait sous leurs lacrymos contre une loi El Khomri qui aurait pu changer la suite de l’histoire si on l’avait nommée correctement, c’est à dire loi Macron.

 

L’autre changement potentiel, tout le monde le reconnaît aujourd’hui, c’était Méluche. Les manuels d’histoire de dans cinquante ans nous expliqueront, succinctement sans doute, que ce mec-la fut une grande figure de la gauche européenne du début de ce siècle. On raconte dans les couloirs ou s’élabore la popote politicarde que Sarko n’aime pas le croiser ; « il en a physiquement peur », m’a dit un jour une écolo. Je ne demande qu’à la croire, tant l’idée d’un octogone entre les deux me fait l’effet d’une friandise de l’imaginaire ; songez au craquement d’une toute petite colonne vertébrale sur fond de mugissements d’un Jean-Luc acclamé par la foule, et osez me dire que c’est pas fun.

 

En tout cas il fait moralement peur à la presse bourgeoise tenue par ses potes, c’est même le moins qu’on puisse dire. A voir leurs tronches d’enterrement devant les annonces d’alliance à gauche, c’est amusant de se rappeler les mêmes qui nous traitaient de haut des mois durant parce que les-gauchiasses-ça-sait-pas-se-rassembler-lmao-mdr-emoji Zemmour content*.

 

Mais je m’égare. Et la « vraie » guerre qu’on nous annonçait contre le terrorisme, dans tout ça ?


Ben, comment dire… la aussi, gros effet Sarko. On rappelle que c’est lui qui nous a fait intégrer l’OTAN, vous savez, l’alliance militaire qui nous a rendu Poutine tout bougon à force de vouloir caler des troupes hostiles à la Russie devant leur moindre poste-frontière, on reconnaît bien la le génie géostratégique des américains.


On entend dire parfois que notre entrée en guerre contre Daesh est un effet des attentats de 2015 ; en fait, c’est le contraire. Contrainte par ses alliances, la France soutient l’effort militaire contre l’El dès 2014, les spécialistes gardent même l’image d’un président Hollande « à la gâchette facile »** ; si Charlie est un cas particulier, les morts du Bataclan sont clairement des représailles, pas forcément moins légitimes que certaines de nos pratiques au Moyen-Orient la même année, genre bombarder des centaines de civils pour buter une poignée de fichés S, ou bieeeen laisser crever nos alliés kurdes après les avoir envoyés devant comme à Monte Cassino. On a des excuses après tout, hein, on suivait les ordres du gentil Obama dont l’aptitude à lutter contre la montée de l’extrême-droite chez lui n’était pas sans rappeler Manu, mais je m’égare encore.


Vous savez, ces fameuses accusations de positionnement pro-russe qu’on colle citations à l’appui sur le dos de Méluche ? Ben elles datent pas mal de cette époque, les citations. Méluche, à ce moment la, nous explique qu’une France agissant en dehors de l’Otan pourrait refuser la politique américaine d’ostracisation de l’armée russe, négocier avec elle des actions militaires coordonnées et arrêter le concours de bi… de bombardements entre Washington et Moscou qui ont fait de cette « guerre de libération » un charnier inutile et une garantie de voir bientôt les islamistes repointer leur pif dans la région, vu qu’on en a fait, euh… ben, ça : https://www.francetvinfo.fr/monde/revolte-en-syrie/plus-de-12-3-millions-d-enfants-syriens-ont-besoin-d-aide-alerte-l-onu_5125555.html


Sauf que l’Otan, nous y sommes. Parce que s’il est une rupture évidente entre Chirac et Sarko puis ses successeurs, c’est le pro-américanisme de principe dont les seconds ont fait preuve. Parce qu'ils ne cherchent même plus à faire semblant d'avoir une "vision pour la France", les mecs. Nos hommes d’état, l’état, ils s’en foutent. Comme tout le reste, ils le pillent et le vandalisent. Et sur les ruines pousse l’extrême-droite, la notre ou celle des musulmans, ça change pas grand-chose.

 

Il ne suffit pas de refuser l’avancée des fachos. Quand la peste arrive, chercher à tuer les puces, ça sert à rien. On tue les rats. Sarko fut un roi des rats.


Maintenant gardez en tête cette image de Sarko le rat, et allez mater une photo de Macron.

Ca y est, vous êtes chaud·es pour la prochaine manif ?

 

Libertairement vôtre.

 

* un emoji très rare qu’il est illégal de diffuser sans trigger warning.

** citation trouvée ici: https://www.youtube.com/watch?v=Wey8enbQJt8

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